Une fromagerie de montagne qui résiste

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Samira Amos, Biovision (images: Caroline Krajcir)

La fromagerie de montagne Spitzenbühl se trouve dans le canton de Bâle-Campagne, à 650 mètres d’altitude. Son organisation solidaire en coopérative met l’accent sur des prix équitables et l’autodétermination.

Portrait en bref du projet « Fromagerie de montagne Spitzenbühl »

Avant, la ferme Spitzenbühl, située à Liesberg (BL), à 650 mètres d’altitude, vendait son lait à un seul acheteur. Pour Florian Buchwalder, le responsable de l’exploitation, et sa femme Evelyn, cette situation de dépendance n’était pas satisfaisante, d’autant que les prix du lait étaient bas. Aussi le couple a-t-il décidé de s’affranchir de tout intermédiaire et de se lancer dans la vente directe de lait, mais aussi du fromage, des yoghourts, du petit-lait et des autres produits laitiers fabriqués à la ferme, le tout à des prix équitables et en collaboration avec les consommateur·trices. Pour cela, Florian et Evelyn Buchwalder ont fondé, avec plus de 70 personnes, une fromagerie-coopérative de montagne solidaire, laquelle transforme le lait de plus de 20 vaches à cornes de la race Swiss Fleckvieh. Les vaches ont accès au pâturage et consomment exclusivement des fourrages grossiers. En opérant cette transition, la ferme a gagné en durabilité et en souveraineté alimentaire. Elle constitue à ce titre un modèle d’autonomisation et d’autodétermination en matière de production et de consommation.

Biovision Schweiz Spitzenbuehl Hof

Avec le projet « Exemples de bonnes pratiques pour un système alimentaire durable », Biovision offre une tribune aux initiatives et projets en Suisse qui contribuent à façonner un système alimentaire durable. Nous souhaitons démontrer que des solutions viables existent et qu’un changement vers plus de durabilité est possible !

La fromagerie Spitzenbüehl en ligne

Solidaire et coopératif

La fromagerie-coopérative de montagne Spitzenbühl est organisée selon le modèle de l’agriculture solidaire. Les consommateur·trices paient des prix équitables pour les produits laitiers qu’il·elles commandent, sont impliqué·es dans la production et ont ainsi un aperçu de la fabrication. Chaque coopérateur·trice consacre quatre heures par an à la transformation et à la logistique. Un système d’abonnement encadre la vente des produits laitiers, qui sont distribués chaque semaine dans six dépôts réfrigérés répartis sur le territoire des deux demi-cantons bâlois. La Swiss Fleckvieh étant une race à deux fins (elle se prête aussi bien à la production de lait qu’à la production de viande), les consommateur·trices peuvent également acheter des colis de viande de la ferme, ce qui contribue à la diversification économique (principe 7 du graphique ci-dessus). L’ancrage de la ferme sur tout le territoire bâlois garantit par ailleurs un niveau élevé de connectivité (principe 11), l’essentiel de la transformation ayant néanmoins lieu à la ferme.

Une approche respectueuse de la nature

L’entreprise accorde une grande importance à la santé animale (principe 4). Les vaches passent toute la saison au pâturage (système de pâturage intégral) et conservent leurs cornes. Le fourrage provient de la ferme : il pousse sur des terres qui ne pourraient pas être cultivées pour l’alimentation humaine. La ferme pratique la reproduction naturelle. Les veaux sont élevés sous la mère ou sous vache nourrice – une sorte de mère de substitution qui allaite des veaux d’autres vaches en plus du leur. Ainsi, tous les veaux se nourrissent au pis, ce qui les rend moins sensibles aux maladies. Actuellement, les Buchwalder élèvent en outre douze génisses.

Les pentes abruptes de la ferme abritent un verger de 160 arbres fruitiers haute-tige, pour la plupart des variétés ProSpecieRara. Leurs racines décompactent le sol, ce qui, combiné à une intervention raisonnée (par exemple l’utilisation de machines légères), contribue à une bonne santé du sol (principe 3). Enfin, le taux de participation (principe 13) très élevé du projet s’explique par l’engagement de Florian Buchwalder dans divers réseaux et associations pour une agriculture solidaire et équitable.

Die B-ACT Auswertung der Bergkäserei Spitzenbühl.
L'évaluation B-ACT de la fromagerie de montagne de Spitzenbühl.

Comment fonctionne l'évaluation avec l'outil
B-ACT ?

Le B-ACT reflète l’orientation des entreprises, des projets et des initiatives vers les 13 principes agro-écologiques du « High Level Panel of Experts on Food Security and Nutrition » (HLPE).

Chaque principe s’inscrit dans l’un des trois thèmes généraux :

  • Augmenter l’efficacité des ressources
  • Renforcer la résilience
  • Assurer la justice sociale

 

Pour tous les principes, Biovision a élaboré des questions en collaboration avec des partenaires, qui ont été intégrées dans le B-ACT. Plus le nombre de questions auxquelles il est possible de répondre positivement pour une initiative ou un modèle commercial est élevé, plus la contribution au principe correspondant est importante.

Illustration des B-ACT Tools auf einem Computer.

Les points forts du projet

  • La démarche de la ferme Spitzenbühl est empreinte d’une grande cohérence dans son respect de la nature. Les vaches ont accès au pâturage pendant toute la période de végétation (système de pâturage intégral) et sont exclusivement nourries à l’herbe et au foin de la ferme. La reproduction s’effectue de manière naturelle.

  • Une grande importance est accordée à l’autonomie. Les Buchwalder n’achètent pas de fourrage ni de pesticides, d’engrais ou d’animaux. En matière d’approvisionnement énergétique, la ferme dispose de son propre poêle à copeaux de bois, alimenté avec du bois coupé sur ses terres. L’autonomie prime également dans la vente des produits.

  • La fromagerie de montagne Spitzenbühl constitue un laboratoire d’expérimentation pour Florian Buchwalder et son équipe, qui ne manquent pas de partager leurs connaissances et leur expérience avec d’autres exploitations et projets.

Biovision Schweiz Spitzenbuehl Team
L'équipe de la coopérative Spitzenbühl

Quels sont les défis à relever par le Spitzenbühl ?

Tandis que Florian Buchwalder dépend de la rentabilité de la fromagerie pour vivre, les autres membres de la coopérative sont moins directement concerné·es. Pour autant, les décisions sont prises de manière participative. Il en résulte un déséquilibre qui ne correspond pas à la vision initiale d’un partage des responsabilités.

Cela s’explique par différents éléments. D’une part, le cadre juridique pose problème : les règles en vigueur en matière de construction n’ont pas permis à la coopérative de construire elle-même la fromagerie de la ferme. Florian Buchwalder a dû rattacher la construction du bâtiment à son entreprise agricole, la coopérative s’acquittant du loyer, des charges de personnel et des frais de matériel. D’un point de vue juridique, le risque et la responsabilité sont donc exclusivement portés par l’entreprise et non partagés entre les membres de la coopérative.

D’autre part, l’emplacement de la fromagerie à l’extrémité ouest du canton de Bâle-Campagne, dans le Jura bâlois, constitue un inconvénient. De nombreux·euses coopérateur·trices et abonné·es ont un long trajet à faire pour venir travailler à la ferme. Cet éloignement freine la participation, ce qui va à l’encontre de l’idée initiale d’une collaboration étroite, et rend difficile le recrutement d’un nombre suffisant de personnes pour le projet. Or la coopérative aurait besoin de membres supplémentaires pour devenir rentable.

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