«Le bétail joue un rôle essentiel dans notre culture», explique Kaspeni Mkurumbwe, éleveur Massaï au village de Mbwade, en Tanzanie. Il se dresse fièrement au centre de son troupeau, composé de 30 vaches et de 40 chèvres. «Avant, nous vivions seulement du peu de lait que nous fournissaient les vaches. Nos conditions de vie étaient très difficiles.» Quand la saison sèche durait trop longtemps, il arrivait que des vaches meurent de faim. La recherche de pâturages pouvait générer des tensions, voire des conflits, avec les familles paysannes.
«Grâce au projet, j’ai découvert qu’en tant qu’éleveur, je pouvais aussi apprendre à gérer mes pâturages et à conserver l’herbe sous forme de foin pour une utilisation future», précise le sexagénaire. Il a désormais réservé deux hectares à cet usage: «Je m’assure ainsi que mon bétail a toujours assez à manger, même pendant la saison sèche.»
Le projet de Biovision a amélioré la situation de l’éleveur et de sa famille: «Aujourd’hui, nos vaches produisent deux litres de lait par jour. C’est quatre fois plus qu’avant. Nous trayons même les chèvres.» Kaspeni Mkurumbwe vend aujourd’hui en moyenne 20 litres de lait par jour au marché de Ludewa: «Mes revenus ont beaucoup augmenté. Je peux maintenant envoyer mes enfants à l’école.»
Des revenus en hausse, des conflits en baisse
Depuis sept ans que dure le projet, notre organisation partenaire Sustainable Agriculture Tanzania (SAT) améliore les conditions de vie des communautés paysannes dans la région de Morogoro. Ce projet audacieux vise non seulement à accroître leur production grâce à des pratiques agroécologiques durables, mais aussi à développer des solutions pour prévenir les conflits.
«Des conflits fonciers éclatent régulièrement entre des familles d’éleveur·euses et des familles paysannes», explique Salma Yassin, chargée de projet chez SAT. «Ce projet a des composantes à la fois sociales et économiques.» Les tensions peuvent mener à de violents affrontements, à des vols de bétail, à la destruction de champs de maïs ou encore au déplacement de personnes. Facteur aggravant : l’augmentation de la population et des surfaces agricoles nécessaires pour la nourrir.
En 2023, un bureau tanzanien externe a étudié les effets du projet sur mandat de SAT et de Biovision. L’étude a révélé que des communautés comme celle du village de Mbwade, où Kaspeni Mkurumbwe vit avec sa famille, ont vu leurs revenus augmenter de manière significative. Le revenu annuel moyen des familles participant aux activités du projet 2017 a plus que doublé, passant de l’équivalent de 200 à 490 francs. À titre de comparaison, celui des familles qui n’ont pas directement participé au projet a plafonné à 370 francs.
La diversité : une assurance-vie
Ces hausses de revenu ont été obtenues grâce à des croisements avec de nouvelles races bovines et, depuis peu, à la production de foin pendant la saison des pluies en prévision de la saison sèche. Parallèlement, les éleveur·euses s’efforcent d’utiliser leurs maigres ressources foncières de manière encore plus raisonnée et de pratiquer une gestion plus durable et efficace de leurs pâturages, notamment par le recours à des variétés d’herbe plus résilientes face à la météo changeante.
De leur côté, les paysan·nes misent sur une plus grande diversité de cultures. Cela leur permet non seulement de profiter des synergies entre différentes plantes, mais aussi de réduire les risques de perdre l’intégralité de leur récolte à cause d’un ravageur. Cette approche agroécologique renforce leur résilience face aux conséquences du changement climatique.
L’étude montre que ces dernier·ères ont aussi vu leurs rendements augmenter de manière substantielle. La production de maïs, qui constitue un aliment de base en Tanzanie, est passée de 1912 kg en moyenne par hectare à 3271 kg, un bien meilleur résultat que celui obtenu par le groupe témoin.
Les atouts du troc
Les familles paysannes apportent désormais leurs récoltes de maïs, de mil et de tournesol au centre de formation SAT du village de Vianzi, où elles peuvent les transformer et les vendre à un prix raisonnable. Les résidus organiques issus de la transformation, tels que les tourteaux de tournesol, peuvent ensuite être échangés contre du fumier auprès des éleveur·euses.
Ce système de troc est gagnant pour les deux parties et permet de renforcer la compréhension mutuelle. Cela crée un cercle vertueux : les parcelles fertilisées offrent de meilleurs rendements, ce qui augmente la quantité de résidus organiques. De plus, la production laitière progresse grâce à une meilleure alimentation des animaux.
Pionnière de la production maraîchère agroécologique
Au village de Kimambila, Mercy Meena s’est convertie à l’agroécologie dans le cadre du projet: «Lors de l’initiation aux méthodes agroécologiques par SAT, j’ai tout de suite accroché. On nous parlait non seulement de culture, mais aussi d’entretien du sol, de protection de l’environnement et d’avenir durable pour notre village.»
La paysanne se souvient de la sécheresse de ses terres. Depuis, elle a installé un système d’irrigation et une serre, dans laquelle tomates et hibiscus s’épanouissent grâce au compost et au fumier qu’elle utilise comme fertilisants. La vente de ses produits lui a également permis d’augmenter ses revenus: «J’ai pu acheter des vaches laitières. Maintenant, je vends du lait à mes voisins.» Les tensions avec les éleveur·euses appartiennent désormais au passé: «Aujourd’hui, nous entretenons de bonnes relations, au point de nous asseoir ensemble pour discuter de l’avancement du projet», se félicite-t-elle.
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