Durant quatre jours, la salle de conférence du « Safari Park Hotel » à Nairobi, capitale du Kenya, a été l’épicentre de l’agroécologie au niveau mondial : plus de 500 participant·es issu·es de plus de 30 pays s’y étaient réuni·es pour discuter de la transformation agroécologique du système alimentaire mondial, en mettant l’accent sur l’Afrique de l’Est. Une chose était claire pour tout le monde : sans soutien ni investissements dans l’agroécologie de la part des gouvernements, des organisations internationales et des banques de développement, il serait difficile d’amorcer un changement vraiment profond dans l’agriculture.
Un comté paysan opère sa transition
Alors qu’au niveau national, la transition agroécologique est lente, voire inexistante, elle se manifeste de plus en plus souvent aux niveaux local et régional. Le Kenya en est un bon exemple, car des réformes agroécologiques y sont actuellement mises en œuvre en parallèle dans plusieurs de ses 47 comtés. Ceux-ci disposent, grâce à un changement constitutionnel intervenu en 2010, de pouvoirs étendus pour définir leur politique agricole de manière autonome.
Dans l’ouest du pays, près de la frontière ougandaise, l’un des premiers comtés à exploiter cette liberté de manière ciblée est celui de Vihiga. Ses 590 000 habitant·es, pour la plupart des familles paysannes, possèdent en moyenne 0,4 hectare de terre sur laquelle il·elles cultivent principalement du maïs et des haricots. Cependant, de plus en plus souvent, cela ne suffit plus pour subvenir aux besoins de la famille. Conséquence : 39 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté absolue, estimé à 2,15 dollars US par jour.
« Autrefois, se souvient Lilian Aluso, on cultivait ici toute une variété de céréales et de légumes adaptés aux conditions locales ». Lilian Aluso coordonne à Vihiga une initiative agroécologique soutenue en partie par Biovision. « Mais avec les promesses de la révolution verte, beaucoup se sont tournés vers le maïs ». Or ce phénomène a provoqué l’augmentation de la faim occulte. Malgré des apports en glucides suffisants, une grande partie de la population manque de micronutriments importants pour la santé.
Depuis 2015, dix groupes de 25 à 30 petit·es paysan·nes ont reçu une formation leur permettant d’accroître la diversité écologique de leurs champs et de leurs jardins, et donc celle de leur alimentation. Désormais, il·elles cultivent également de la morelle noire, de l’amarante, de la corète potagère (ou jute rouge), du chou kale éthiopien, du niébé, ainsi que plusieurs espèces de légumes-feuilles et de légumineuses. Et le maïs a été remplacé en grande partie par le sorgho et le millet.
Le problème des lois restrictives sur les semences
L’un des grands défis a été de trouver des semences de variétés anciennes, dont certaines avaient quasiment disparu. À cela s’ajoute le fait qu’au Kenya, seules sont autorisées à la vente les semences certifiées par une autorité nationale. Or la certification d’une variété ancienne est coûteuse et prend beaucoup de temps.
Aujourd’hui, l’alimentation s’est effectivement diversifiée et la vente directe à la ferme fonctionne bien. Mais les paysan·nes ont encore du mal à dégager des marges pour leurs produits sur les marchés locaux.
Ce qui avait commencé à Vihiga en tant que projet de promotion de la diversité alimentaire s’est transformé en un vaste mouvement agroécologique soutenu par le gouvernement du comté. Une table ronde a été organisée avec des représentant·es de la recherche, de la société civile, du secteur privé et des paysan·nes.
Le comté de Murang’a est encore plus avancé dans la transition agroécologique. Pour en savoir plus, consultez l’article complet sur l’agroécologie en Afrique de l’Est sur https://www.biovision.ch/fr/story/le-renouveau-agro-ecologique-a-muranga/.