Surmonter la crise alimentaire mondiale avec l’agroécologie

Par

Frank Eyhorn, directeur de Biovision

Réduire la production bio pour lutter contre la crise alimentaire serait fatal. Pour surmonter la crise, il est au contraire urgent d’accélérer la transformation vers des systèmes alimentaires durables.
Frank Eyhorn begutachtet gemeinsam mit der Bäuerin Angelina Mbithi und ihrem Sohn Nicholas Katua den Boden ihres Feldes.
L'agricultrice kenyane Angelina Mbithi, son fils Nicholas Katua et le CEO de Biovision Frank Eyhorn observent un champ cultivé avec du compost produit par leurs soins.

En réponse à la hausse des prix des denrées alimentaires et au blocage des exportations de céréales en provenance d’Ukraine, de plus en plus de voix s’élèvent pour demander l’abandon des efforts de durabilité au profit d’une intensification accrue de l’agriculture. Cette vision court-termiste ne résoudrait pas les problèmes, mais les aggraverait au contraire.

Le manque de nourriture n’est pas le problème

Depuis 2016, le phénomène de famine est en hausse augmente dans le monde, principalement en raison des conflits et des conditions météorologiques extrêmes résultant de la crise climatique ainsi que de la pandémie de Covid-19. L’Afrique de l’Est traverse actuellement sa pire sécheresse depuis 40 ans. La hausse des prix des denrées alimentaires se rajoute à cela, en particulier pour les populations à faible revenu dans les pays qui dépendent fortement des importations de denrées alimentaires. Leur sécurité alimentaire n’est toutefois pas menacée par un manque de production mondiale, mais est dû à une mauvaise répartition des richesses et à la fois des denrées alimentaires. Dans le monde, 4’600 calories de nourriture sont produites par jour et par habitant∙e, soit plus du double de ce dont nous aurions besoin pour nourrir l’humanité.

Cependant, environ 40% des terres arables mondiales sont actuellement utilisées pour la production d’aliments pour animaux et 10% des céréales mondiales sont utilisées pour les biocarburants. Un tiers des aliments produits ne finissent pas dans nos assiettes, mais sont gaspillés. Une réduction de 8% de l’utilisation de céréales pour l’alimentation animale dans l’UE suffirait à elle seule à compenser entièrement la baisse attendue des exportations de céréales en provenance d’Ukraine. En Suisse également, le degré d’autosuffisance pourrait être nettement augmenté si nous cultivions de céréales, de pommes de terre, de légumineuses et de légumes pour la consommation de la population au lieu de celle du bétail. En même temps, cela contribuerait efficacement à une alimentation saine et respectueuse du climat.

Investir dans l’éducation et la santé plutôt que dans les engrais chimiques et les pesticides de synthèse

Actuellement, ce ne sont pas seulement les prix des denrées alimentaires qui augmentent fortement, mais aussi ceux des énergies fossiles. Par conséquent, les transports et les coûts des engrais artificiels et des pesticides de synthèse augmentent. Une production durable et diversifiée, basée sur des circuits locaux et des débouchés essentiellement locaux, est largement indépendante de cette situation. Cela est particulièrement pertinent pour les pays à faible revenu qui consacrent une part importante de leur produit intérieur brut à ces importations. Une conversion à des formes de culture agroécologiques leur permettrait non seulement d’augmenter durablement la fertilité des sols, mais aussi d’investir leurs maigres ressources financières dans des domaines plus utiles, comme l’éducation et la santé, au lieu de subventionner les engrais comme c’est le cas actuellement.

Il n’est pas étonnant que les groupes agrochimiques tentent d’utiliser la situation de crise pour défendre leur modèle commercial. Erik Fyrwald, CEO de Syngenta, une filiale de la multinationale agricole ChemChina contrôlée par la Chine, a même récemment affirmé que les gens mouraient de faim en Afrique parce que nous mangions ici de plus en plus de produits bio. Cette affirmation est aussi absurde que transparente : les cultures industrielles ne font pas partie de la solution, mais sont au contraire l’une des causes de la crise alimentaire et climatique. Les « solutions miracles » techniques comme le génie génétique se sont jusqu’à présent révélées être des promesses vides de sens – du moins en ce qui concerne la durabilité. Elles ont été très efficaces pour augmenter les ventes d’herbicides et donc les bénéfices des groupes agricoles.

Nos projets ont de plus en plus d’impact

Biovision joue un rôle majeur sur la scène internationale. Notre rapport annuel 2021 montre comment nous y sommes parvenus

L’agro-industrie est complice de la crise alimentaire

Les conséquences de la guerre en Ukraine nous rappellent les risques de l’agro-industrie mondialisée. Pour les populations africaines, la dépendance vis-à-vis des importations de céréales et d’engrais est fatale. Les hausses de prix des céréales et des engrais chimiques sont en outre alimentées par la spéculation et les limitations égoïstes des exportations, comme le montre un rapport du panel international d’expert∙es IPES-Food publié en mai 2022. Le président de Biovision, Hans Rudolf Herren, lui-même membre de ce conseil, a déclaré à ce propos : « La hausse des prix de ces dernières semaines repose en grande partie sur la spéculation sur le marché mondial. On crée ainsi une pénurie artificielle et on retient d’énormes quantités de céréales dans l’espoir que le prix augmente et que l’on puisse ensuite vendre plus cher. Je trouve indécent que l’on puisse spéculer sur l’alimentation. »

Le modèle d’agriculture mondialisée et agro-industrielle est complice de l’augmentation du nombre de personnes souffrant de famine. Vouloir résoudre la crise actuelle avec encore plus de monocultures, d’engrais chimiques et de pesticides n’est pas la voie à suivre. Il serait plus judicieux d’utiliser la hausse des prix du marché pour les denrées alimentaires et les engrais chimiques comme une opportunité de transformation agroécologique des systèmes alimentaires, au Nord comme au Sud. Une agriculture diversifiée et durable serait non seulement plus porteuse d’avenir, mais aussi plus résiliente face au changement climatique et aux crises économiques et sociales.

D’innombrables exemples de pratiques et d’études en Afrique subsaharienne et ailleurs ont montré qu’une agriculture biologique diversifiée, basée sur la rotation des cultures et la fertilisation organique, améliore durablement la sécurité alimentaire et les revenus des agriculteurs et agricultrices. Et ce faisant, elle produit même souvent une nourriture plus abondante et plus équilibrée que dans les monocultures conventionnelles.

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