Un restaurant gastronomique de montagne et son champ de culture

Par

Samira Amos, Biovision. Image: Scalottas Terroir.

Situé à Lenzerheide, le restaurant Scalottas Terroir réinterprète la cuisine alpine en proposant des plats affirmant leur identité régionale. Il adopte en outre des principes de durabilité et d’équité à l’égard des producteurs et des productrices avec lesquel·les il collabore.

Portrait en bref du projet « Scalottas Terroir »

Le restaurant Scalottas Terroir de l’hôtel Schweizerhof est dirigé depuis 2007 par le chef Hansjörg Ladurner et son second, René Bissig. Hansjörg Ladurner entretient une relation étroite avec les 40 producteurs et productrices auprès desquel·les il se fournit. Il les connaît personnellement et partage leur philosophie en matière de durabilité. L’établissement gastronomique, anciennement un restaurant italien, valorise désormais la cuisine locale et les producteur·trices de la région.

Le Scalottas Terroir a obtenu l’étoile verte Michelin en 2022. Il rompt avec le traditionnel menu à plusieurs services et se garde de toute complexité. Le restaurant propose une sélection de 20 plats que les client·es peuvent combiner à leur guise et qui sont avant tout basés sur des variétés et des recettes anciennes. Les portions, volontairement petites, invitent à redécouvrir des mets aux qualités reconnues, tels que la viande de marmotte.

À cet égard, Hansjörg Ladurner et René Bissig accordent une grande importance aux ingrédients régionaux, naturels et de saison. Pour chaque plat, les serveur·euses sont en mesure d’expliquer qui a produit les aliments et de quelle façon. Cette approche permet de susciter la réflexion tout en retraçant l’histoire des producteur·trices.

Lorsque Hansjörg Ladurner et René Bissig soulignent qu’ils entretiennent un lien étroit avec leurs produits, cela doit être compris littéralement. Ils exploitent en effet à Lain, le village voisin, un champ de montagne où ils cultivent notamment des pommes de terre, des céréales et des féveroles selon des méthodes traditionnelles. Ils accordent une attention particulière au respect du sol et à la redécouverte ludique de variétés anciennes.

Forts de leur restaurant et de leur propre champ, Hansjörg Ladurner et René Bissig peuvent désormais affirmer qu’une alternative aux procédés conventionnel est possible.

Biovision Schweiz Scalottas Terroir Interior

Avec le projet « Exemples de bonnes pratiques pour un système alimentaire durable », Biovision offre une tribune aux initiatives et projets en Suisse qui contribuent à façonner un système alimentaire durable. Nous souhaitons démontrer que des solutions viables existent et qu’un changement vers plus de durabilité est possible !

Scalottas Terroir en ligne

Le terroir de Scalotta se présente. Contribution de Soil to Soul.

Redécouverte de la féverole de montagne

La réussite du Scalottas Terroir prend racine dans l’alliance entre agriculture et gastronomie. Hansjörg Ladurner établit ses plannings en collaboration avec les producteur·trices. Il les rétribue de manière équitable, et ouvre ainsi un espace pour la nouveauté. Il souligne en effet que ces amitiés et ces rencontres régulières suscitent des discussions et stimulent l’imagination. Lorsque Hansjörg Ladurner se trouve dans une exploitation, il y découvre toujours quelque chose d’inconnu et se demande ce qu’il serait possible d’en faire, comme c’est arrivé avec le haricot de montagne : c’est en coopérant avec l’agriculteur bio Marcel Heinrich de la ferme « La Sorts » que le chef a redécouvert cette très ancienne plante cultivée. Marcel Heinrich a multiplié les deux derniers kilos de semences en sa possession et Hansjörg Ladurner a utilisé la récolte pour essayer de nouvelles recettes. Aujourd’hui, le Scalottas Terroir sert du pain à base de farine de haricot et du houmous issu de brisure de haricots, tandis que Marcel Heinrich commercialise ces mêmes produits.

À travers cette collaboration et d’autres, le Scalottas Terroir constitue une sorte de pépinière pour de nouveaux projets et développe des réseaux au niveau local. Le projet se démarque donc sur le plan des valeurs sociales et des types d’alimentation (principe 9), de l’équité (principe 10) et de la connectivité (principe 11).

Des principes stricts en matière de durabilité

Tout comme ses producteur·trices, Hansjörg Ladurner accorde une grande importance à la durabilité. Il applique des principes stricts en la matière dans son champ de montagne. La santé du sol (principe 3) et le bien-être des animaux (principe 4) lui tiennent particulièrement à cœur. Cela se concrétise par exemple dans sa collaboration avec l’exploitation voisine de Bruno Hassler et Petra Weber, qui, en plus de quelques moutons, élèvent plus de 80 chèvres. Hansjörg Ladurner leur achète les jeunes animaux pour lesquels ils ne trouveraient pas d’autre débouché, à un âge dépassant de six mois celui de l’abattage conventionnel.

Issus de races adaptées au site, ces animaux grandissent avec leur mère dans un pâturage accueillant sapins et buissons. Des chiens de protection les défendent contre les loups. Hansjörg Ladurner est convaincu que les animaux doivent avoir vécu une belle vie pour que leur viande ait du caractère. Il se rend personnellement à l’abattoir avec eux et s’assure que l’abattage se déroule sans stress, afin que l’amour et le travail donnés aux animaux par les agriculteur·trices n’aient pas été vains. Hansjörg Ladurner confie le surplus de viande à une manufacture locale, qui en assure le séchage selon un procédé traditionnel qui dure plusieurs années. Il redonne également certains sous-produits carnés à Bruno Hassler et Petra Weber pour leurs chiens de protection.

Biovision Schweiz Scalottas Terroir B-ACT Grafik fr
Graphique de l'évaluation du projet « Scalottas Terroir ».

Comment fonctionne l'évaluation avec l'outil
B-ACT ?

Le B-ACT reflète l’orientation des entreprises, des projets et des initiatives vers les 13 principes agro-écologiques du « High Level Panel of Experts on Food Security and Nutrition » (HLPE).

Chaque principe s’inscrit dans l’un des trois thèmes généraux :

  • Augmenter l’efficacité des ressources
  • Renforcer la résilience
  • Assurer la justice sociale

 

Pour tous les principes, Biovision a élaboré des questions en collaboration avec des partenaires, qui ont été intégrées dans le B-ACT. Plus le nombre de questions auxquelles il est possible de répondre positivement pour une initiative ou un modèle commercial est élevé, plus la contribution au principe correspondant est importante.

Illustration des B-ACT Tools auf einem Computer.

Un projet qui marque des points

  • Autrefois, la cuisine gastronomique se fondait sur ce qui était livré à l’établissement : on proposait du foie gras, du caviar ou des truffes, mais pas ses propres produits. Au Scalottas Terroir, on accorde une grande valeur à la cuisine régionale et à sa réinterprétation. Priorité est donnée aux produits de proximité, par exemple aux pommes de pin noir issues de la forêt toute proche.
  • Le restaurant adopte une politique claire en matière de développement durable. Il offre, grâce à sa cuisine souple et créative, un important débouché aux producteur·trices qui partagent ses idées.
  • Le Scalottas Terroir est à l’origine d’initiatives sociales et culturelles dans la région. Hansjörg Ladurner met tout en œuvre pour créer des liens dans son entourage et se réjouit des nouvelles synergies qui naissent entre ses partenaires. Des agriculteur·rices ont par exemple créé une association fédérant leur intérêt commun pour le pain. Celle-ci s’est donné pour mission de réhabiliter un fournil plus que centenaire et de fournir du pain au restaurant.
Biovision Schweiz Scalottas Terroir Hansjörg, Bruno und Petra
Hansjörg Ladurner avec Bruno Hassler et Petra Weber ainsi que leurs chiens de protection des troupeaux. Photo : Scalottas Terroir.

Quels sont les défis à relever par Scalottas Terroir ?

  • Au même titre que ses producteur·trices qui sont aussi de petites exploitations, le Scalottas Terroir doit affronter certaines difficultés dues à une législation le plus souvent axée sur les grandes entreprises. Par exemple, les exploitations agricoles doivent collecter le lisier dès lors qu’elles détiennent deux porcs, ce qui entraîne pour elles des coûts supplémentaires.
  • Hansjörg Ladurner estime que la déclaration des denrées alimentaires actuelle ne suffit pas à garantir une meilleure transparence et à mieux valoriser les initiatives comme la sienne qui misent sur un fort caractère régional.
  • Une grande partie de la clientèle du restaurant vient dans la région pour le tourisme. Cependant, la saison est de courte durée ; en conséquence, le restaurant ne fonctionne à plein régime qu’à certaines périodes.

Autres initiatives​

Nos nouvelles

Consommation

Le Cri de la Carotte : de l’équité sociale dans les plats cuisinés

Laborantine de formation, Emma Azconegui a créé la conserverie « Le Cri de la Carotte », qu’elle gère d’une main habile et engagée : la lutte contre le gaspillage alimentaire et les inégalités lui tiennent particulièrement à cœur.
Savoir

Les phares suisses de l’agroécologie

Avec des exemples pratiques réussis d’agroécologie, appelés «phares», Biovision montre l’avenir de notre système alimentaire.
Agriculture

Une ferme qui ose le changement

Sur ses quelque 11 hectares de terre, la ferme Demeter Faver opère de nombreuses transformations depuis quelques années. Toujours en collaboration étroite avec « TaPatate! », une association d’agriculture contractuelle de proximité.
Consommation

Une coopérative alimentaire de quartier

Gérée par la coopérative « Grassrooted » dans le Kreis 4 de Zurich, la coopérative alimentaire bio « rampe5 » propose des aliments de consommation courante socialement et écologiquement durables. Les recettes sont en grande partie reversées aux productrices et producteurs, grâce notamment à la participation des consommatrices et consommateurs. Dabei gestalten die Konsumierenden die Kooperative mit und was an der Kasse für die Lebensmittel bezahlt wird, geht grösstenteils direkt an die Produzierenden.