Portrait en bref du projet «integraL»
Qui se souvient des gesses et des lupins ? De nos jours, les légumineuses ne servent pratiquement plus que de fourrage, alors qu’elles représentaient autrefois une grande part de notre alimentation. Précieuses sources de protéines, de vitamines et de fibres, bénéfiques pour la fertilité des sols, elles ne sont aujourd’hui cultivées que sur de petites surfaces en Suisse. Les causes ? Il manque des variétés adaptées, mais aussi des techniques de culture et des possibilités de transformation et de commercialisation spécifiques aux légumineuses.
C’est là qu’intervient l’équipe du projet integraL (« Interdisciplinary Research on Grain Legumes »), un projet mené par le semencier GZPK en collaboration avec Critical Scientists Switzerland, semnar et l’Université de Lausanne. integraL chercher à populariser les légumineuses en Suisse en expérimentant de nouvelles méthodes de sélection, de culture et de transformation. Le projet examine également les causes historiques de leur disparition des champs et des assiettes suisses. Une attention particulière est accordée à la gesse, appelée également pois carré, une plante tombée dans l’oubli mais intéressante car tolérante à la sécheresse.
Dans le projet integraL, la collaboration avec le monde agricole joue un rôle central : plusieurs fermes de Suisse romande et alémanique testent dans ce contexte des variétés et méthodes de culture adaptées aux conditions locales. En ce sens, integraL est un exemple phare en matière de recherche agroécologique.
Avec le projet « Exemples de bonnes pratiques pour un système alimentaire durable », Biovision offre une tribune aux initiatives et projets en Suisse qui contribuent à façonner un système alimentaire durable. Nous souhaitons démontrer que des solutions viables existent et qu’un changement vers plus de durabilité est possible !
IntegraL en ligne
Gesse et céréale, duo gagnant
La gesse illustre bien les avantages et inconvénients des légumineuses à graines : dans nos régions humides, elle pousse si bien qu’elle finit par retomber au sol, ce qui complique la récolte mécanique. L’équipe d’integraL la cultive donc avec des céréales pour que celles-ci lui servent de tuteur. En échange, la gesse améliore la fertilité du sol (principe 3) : elle l’enrichit en azote et réduit ainsi les besoins en engrais (principe 2). La culture simultanée de plusieurs espèces végétales dans un champ amène en outre une diversification du paysage agricole (principe 5). Celui-ci fleurit davantage et plus longtemps, offrant ainsi de la nourriture aux pollinisateurs.
Collaboration avec les fermes intéressées
En plus de leurs avantages écologiques, les légumineuses sont intéressantes pour les exploitations qui misent sur un concept de culture varié. C’est le cas de la ferme bio Rinderbrunnen de 30 hectares à Grüt près de Wetzikon (ZH), qui souhaite diversifier sa palette de produits pour la vente directe (principe 7). Pour ce faire, son équipe recherche sur sa propre parcelle expérimentale les variétés et méthodes de culture les mieux adaptées au terroir et à la commercialisation.
En plus des gesses, elle y cultive des pois, plusieurs variétés de haricots, des pois chiches, des lupins et des arachides. Les conditions climatiques sur la parcelle expérimentale correspondent aux conditions réelles de culture de la région puisque l’équipe n’a recours à aucune mesure auxiliaire telle que l’irrigation. Les variétés qui donnent les meilleurs résultats seront ensuite cultivées à plus grande échelle à la ferme.
Nouvelles voies dans la sélection des plantes
Par son approche pratique, integraL constitue un complément important au secteur de la sélection végétale, désormais souvent réduit à des travaux en conditions environnementales contrôlées dans des serres et en laboratoire. Le projet intègre les connaissances et les besoins des secteurs de l’agriculture et de la transformation (principe 8). Alors que sur le marché, les semenciers se concentrent souvent seulement sur les grandes cultures comme le blé et le maïs, integraL s’intéresse à une multitude de plantes cultivées. De plus, le projet de recherche sélectionne les plantes en fonction d’un grand nombre de facteurs tels que la résistance, la transformabilité et les particularités régionales.
Là encore, la gesse illustre bien l’importance de cette approche globale. En effet, cette plante est extrêmement résistante à la sécheresse et aux maladies, mais contient de petites quantités d’une toxine (ODAP) qui, bien qu’inoffensive dans le cadre d’une alimentation équilibrée, lui a donné mauvaise presse. La recherche industrielle tente d’éliminer cette toxine par sélection classique ou génie génétique, alors que des éléments indiquent que la résistance de la plante pourrait justement lui être imputable. À l’inverse, integraL s’intéresse à la manière dont la cuisson, le trempage ou la fermentation des gesses pourraient contribuer à réduire la quantité de toxines. À cet effet, la manufacture de Wetzikon « Das Pure » transforme par exemple les légumineuses en tempeh par un procédé de fermentation.
En collaborant étroitement avec le terrain, le projet apporte également une contribution politique en illustrant les avantages de la recherche participative (principe 13).
Comment fonctionne l'évaluation avec l'outil B-ACT ?
Le B-ACT reflète l’orientation des entreprises, des projets et des initiatives vers les 13 principes agro-écologiques du « High Level Panel of Experts on Food Security and Nutrition » (HLPE).
Chaque principe s’inscrit dans l’un des trois thèmes généraux :
- Augmenter l’efficacité des ressources
- Renforcer la résilience
- Assurer la justice sociale
Pour tous les principes, Biovision a élaboré des questions en collaboration avec des partenaires, qui ont été intégrées dans le B-ACT. Plus le nombre de questions auxquelles il est possible de répondre positivement pour une initiative ou un modèle commercial est élevé, plus la contribution au principe correspondant est importante.
Un projet qui marque des points
- integraL mise sur la diversification des cultures par le biais des légumineuses à graines. Celles-ci améliorent la fertilité des sols, favorisent la biodiversité et rendent l’agriculture plus résistante face aux phénomènes météorologiques extrêmes. L’approche collaborative du projet de recherche fait émerger les connaissances nécessaires sur les variétés de légumineuses, les méthodes de culture et les canaux de commercialisation, c’est-à-dire les bases de leur diffusion en Suisse.
- integraL est un exemple de recherche agroécologique menée en partenariat avec les agriculteur·trices. Au lieu de se concentrer exclusivement sur le rendement, le projet adopte une approche globale et intègre des facteurs tels que la fertilité du sol ou la transformation au niveau local. Il a pour but la recherche de solutions pratiques permettant de cultiver des légumineuses à graines dans des conditions réelles, sans épuiser nos ressources vitales.
- integraL s’engage dans les relations publiques et la politique afin de partager les connaissances acquises et de mieux faire connaître les avantages de la sélection et de la recherche participatives dans l’agriculture.
« integraL» se présente. Vidéo: gzpk.
Quels sont les défis à relever par
Le développement durable dans l’agriculture nécessite des adaptations tout au long de la chaîne de valeur. Le potentiel des systèmes de culture agroécologiques tels que les cultures mixtes reste pour l’heure grandement inexploité : par exemple, les cultures mixtes pourraient fournir un meilleur rendement que les monocultures car elles utilisent les ressources disponibles de manière plus efficace et complémentaire. Le rendement pourrait également être plus stable, par exemple en cas de conditions météorologiques changeantes, car certaines variétés et espèces poussent bien en cas de sécheresse alors que d’autres tolèrent mieux l’humidité.
Toutefois, les techniques agricoles, la sélection végétale et la transformation ne sont pas adaptées aux cultures mixtes. Les exploitations ne disposent que partiellement des machines, variétés et connaissances nécessaires à la culture, à la récolte et à la transformation des aliments issus de cultures agroécologiques.
Il serait par exemple judicieux d’associer maïs et haricots ou pois et orge. Particulièrement résilientes, ces cultures mixtes se heurtent toutefois au problème du tri des grains après récolte. Les progrès de la mécanisation sont trop axés sur les cultures monovariétales, au détriment des cultures mixtes. Nous sommes capables d’aller sur la Lune mais incapables de séparer mécaniquement le maïs des haricots.
Les cultures et les pratiques de recherche agroécologiques innovantes ne reçoivent quasiment aucun soutien, faute de prise de conscience de leur intérêt. C’est surtout dans la phase initiale des nouvelles cultures que l’on manque du soutien nécessaire pour développer les variétés et les méthodes de culture appropriées et pour garantir la sécurité des débouchés. L’introduction d’une nouvelle culture est comparable au lancement d’une start-up : il faut du temps et de l’argent pour que tout fonctionne de manière optimale. Quand on expérimente, il peut y avoir des ratages. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas essayer.
Enfin, le cadre légal constitue souvent un obstacle. Pour être autorisées, les variétés doivent par exemple atteindre un certain rendement minimum en monoculture. Or, dans le cas des variétés destinées aux cultures mixtes, ce critère n’est souvent pas pertinent. Pour celles-ci, on sélectionne plutôt des plantes pour une fonction spécifique, par exemple celle de servir de tuteur à une plante partenaire. Se concentrer sur la maximisation du rendement de chaque plante prise individuellement peut affecter cette fonction.