Beaucoup de nos écosystèmes sont en si mauvais état qu’ils ne peuvent plus fournir aux populations leurs « services » : air pur, approvisionnement en eau propre, pollinisation par les insectes, protection contre les événements naturels.
Selon l’IPBES – Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques – les causes directes les plus importantes de cette évolution sont les changements d’utilisation des terres, le changement climatique, la surexploitation des ressources naturelles, la propagation des espèces exotiques envahissantes et la pollution de l’environnement. De plus en plus de superficies sont utilisées pour l’agriculture, en particulier à cause de la demande croissante de viande et de fourrage pour le bétail.
Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture FAO, un tiers de notre nourriture est gaspillée chaque année. Ce gaspillage alimentaire représente une part importante de la surface terrestre, inutilement utilisée pour l’agriculture. Le calcul est simple: ce tiers perdu, dans le contexte surtout de cultures industrielles, est depuis longtemps produit à coup de déforestation, de monocultures et d’assèchement de zones humides servant d’habitats pour les plantes et les animaux.
La production de nourriture nécessite non seulement des terres mais aussi de l’eau, autre ressource précieuse gaspillée de la même manière. L’agriculture conventionnelle dominante utilise également des quantités excessives de pesticides et d’engrais, qui polluent et salinisent l’eau. Dans de nombreux endroits, une irrigation intensive entraîne une baisse du niveau des eaux souterraines. Cela a également un effet négatif sur la biodiversité. Dans les océans, la surpêche (accompagnée de prise d’espèces non consommées) menace la survie de nombreux organismes marins et d’écosystèmes sensibles.
Divers facteurs augmentent la complexité
Le rapport 2013 de la FAO montre que le gaspillage de viande et de lait est particulièrement responsable de la pression sur l’utilisation des terres. Cependant, cela ne s’applique pas de manière uniforme. La viande d’une chèvre suisse nourrie à l’herbe n’a pratiquement aucun impact sur la biodiversité, contrairement au steak de bœuf importé d’une ferme conventionnelle qui nourrit son bétail au soja et aux céréales. La production de viande et de lait occupe 78% de la surface totale de production, alors que leur contribution à la nourriture disponible n’est que de 11%. L’effet de levier négatif des produits animaux est donc proportionnellement important en cas de gaspillage.
« Ne nourrissons pas la nourriture », dit une maxime. La différence est donc énorme si c’est un morceau de bœuf du supermarché ou une salade de votre jardin qui pourrit dans le frigo. Certains aliments comme le café ou le cacao nécessitent beaucoup de surface et ne peuvent être cultivés que dans les régions tropicales où la biodiversité est encore très élevée. En gaspillant ce genre de produits, on provoque un fort impact négatif.
Une vision globale est nécessaire. En effet, selon les chiffres de l’Office fédéral de l’environnement, 75% de la pollution environnementale due à notre consommation n’est pas créée en Suisse, mais à l’étranger. Le taux d’autosuffisance de notre pays est d’environ 60% et les importations alimentaires ont presque doublé depuis 1990.
L’agroécologie offre une solution systémique
Les problèmes systémiques complexes nécessitent des solutions systémiques holistiques. L’agroécologie propose une approche qui s’applique à tous les niveaux de durabilité. En agroécologie, les zones à forte biodiversité sont consciemment préservées et soutenues, car la valeur des services écosystémiques* est reconnue. En outre, les producteurs et les consommateurs locaux sont rapprochés grâce à des chaînes d’approvisionnement courtes et de proximité. Cela signifie une plus grande valeur ajoutée pour les paysan-ne-s, qui peuvent investir dans des sols sains à long terme grâce à une plus grande sécurité de planification. Le système alimentaire doit être intégré dans l’économie locale. On peut ainsi prendre en compte les traditions régionales ; de même, la post-récolte, le stockage, la transformation et le transport sont logiquement liés. L’application de méthodes agroécologiques combine des objectifs d’approvisionnement et de biodiversité. L’agroécologie est comprise comme une science, une pratique et un mouvement social qui visent à concevoir et gérer des systèmes alimentaires durables et équitables. Mais aujourd’hui, il y a encore trop peu d’argent consacré à la recherche, au développement et à l’application de cette solution, comme l’illustre l’étude sur les flux financiers destinés à la recherche en agroécologie récemment publiée par Biovision.
Les objectifs de développement durable de l’ONU s’attaquent au problème: un sous-objectif de l’ODD 12 (Production et consommation durable) réclame la réduction de moitié du gaspillage alimentaire au niveau de la vente au détail d’ici 2030, ainsi que la réduction des pertes de nourriture, depuis la récolte jusqu’aux chaînes de transformation et de distribution. Plus on intervient en amont de cette chaîne, plus on ménage l’environnement.
Cet article a été rédigé pour le magazine «Thema Umwelt» de Pusch – L’environnement en pratique.