L’agroécologie pour lutter contre le changement climatique

Par

Martin Grossenbacher, Biovision

De plus en plus de personnes dans les pays du Sud sont touchées par les conséquences du changement climatique. Les agriculteurs-trices, en particulier, souffrent des phénomènes météorologiques extrêmes causés par le climat. Il est donc urgent de mettre en place des systèmes agricoles et alimentaires durables et résistants au climat.
Kleinbäuerin Elizabeth Karimi aus Tharaka-Nithi, Kenia
Elizabeth Karimi, petite exploitante agricole de Tharaka-Nithi, au Kenya : «Grâce à l’agroécologie, je suis mieux préparée pour faire face au changement climatique.» (Photo : Biovision)

Dans le comté de Tharaka-Nithi, à l’est, au pied du mont Kenya, les champs sont rouges et extrêmement secs. On ne voit pas de vert à l’horizon, alors que théoriquement, c’est bientôt la période de récolte du maïs et du millet. Mais ce qui a germé et fleuri de façon éparse après la semence en raison du manque de pluie a à peine suffi à nourrir le bétail. D’année en année, les conditions météorologiques extrêmes – tant la saison sèche que la saison des pluies – deviennent de plus en plus imprévisibles également en Afrique de l’Est et entraînent des pertes de rendement croissantes. Elizabeth Karimi est elle aussi touchée par cette situation. L’agricultrice attend des visiteur·euses de Nairobi et de Suisse dans sa petite ferme. Pour une étude, ils veulent en savoir plus sur son expérience des conséquences du changement climatique.

L’agriculture est à la fois victime et coupable

Fabio Leippert de la Fondation Biovision est en charge de cette étude : « Au niveau mondial, l’agriculture est à la fois victime et responsable de la crise climatique », explique Fabio Leippert. « Avec un quart des émissions de gaz à effet de serre, elle contribue de manière significative au changement climatique. Parallèlement à cela, les agriculteur·trices du monde entier sont aux prises avec une sécheresse extrême ou des pluies trop abondantes. » Des systèmes alimentaires plus durables et résistants au climat sont donc aujourd’hui nécessaires. Fabio Leippert explique à quoi ils pourraient ressembler : « Notre étude a montré que les méthodes agroécologiques (qui incluent également l’agriculture biologique) contribuent à la protection du climat tout en augmentant la capacité d’adaptation des exploitations agricoles au changement climatique. Les facteurs de réussite sont l’amélioration de la santé des sols, une plus grande biodiversité ainsi qu’un haut degré de diversification des plantes, mais surtout une meilleure mise en réseau et un meilleur partage des connaissances entre les agriculteur·trices. »

Combiner connaissances traditionnelles et nouvelles découvertes

Depuis 2012, Biovision travaille avec l’Institute for Culture and Ecology (ICE) du Kenya. Dans la région autour du mont Kenya, l’ICE accompagne désormais une cinquantaine de groupes d’agriculteur·trices comptant plus de 1500 participant·es. Lors de cours d’agroécologie sur le terrain, ils apprennent notamment comment augmenter la rétention d’eau et prévenir l’érosion grâce à des champs en terrasse et des plantations ciblées, ou comment renforcer la fertilité des sols avec du compost. Des plantes appropriées adaptées aux conditions locales sont plantées, ce qui accroît la diversité. Par exemple, la marante (« arrowroot »), qui pousse bien sur un sol profondément humide, mais qui est également peu sensible à la sécheresse ou aux criquets en raison de ses racines profondes. Divers types de millet, de haricots, de pois, de sorgho ou d’amarante, ainsi que des herbes médicinales ou des épices, contribuent désormais aussi à diversifier le risque et à enrichir le menu. Cette diversité est également appréciée par les insectes pollinisateurs. La formation à l’apiculture moderne et le financement communautaire de nouvelles ruches permettent de diversifier la production et de sécuriser les revenus.

Un aspect essentiel de l’amélioration de la résilience consiste à combiner les connaissances traditionnelles avec de nouvelles découvertes. L’inclusion de toutes les générations dans les ateliers est donc essentielle. Par exemple, des calendriers saisonniers ont été élaborés avec des variétés de plantes traditionnelles, souvent plus résistantes, ou des cartes des communautés ont été créées pour illustrer l’évolution des zones naturelles locales sur plusieurs générations. Ces cartes permettent aux agriculteurs-trices de tirer des conclusions sur les changements supplémentaires auxquels ils seront confrontés en raison du changement climatique et les aident à élaborer des stratégies pour s’en prémunir. Elizabeth Karimi est elle aussi membre d’un tel groupe d’agricultrices et est désormais mieux protégée des conséquences de la sécheresse qui a détruit sa récolte de maïs. Grâce au grenier nouvellement construit, les prochains semis sont assurés, leurs colonies d’abeilles sont assidues et des bovins et des chèvres constituent un « pécule » pour les périodes de vaches maigres.

Une étude montre comment l’agroécologie aide à lutter contre le changement climatique

« Ce que j’ai appris lors d’échanges détaillés pendant la visite de la ferme d’Elizabeth Karimi a été confirmé de manière factuelle par notre étude », note Fabio Leippert. « Dans l’analyse, les agriculteurs-trices qui pratiquent l’agroécologie montrent une résilience accrue, ce qui les aide à s’adapter au changement climatique. » En plus des études de terrain, une méta-analyse a été utilisée pour découvrir les facteurs déterminants de ce phénomène:

  • Grâce à l’amélioration de la santé des sols, à la biodiversité et à la forte diversification des systèmes de production agricole, l’agroécologie augmente la capacité d’adaptation au changement climatique et réduit la vulnérabilité des agroécosystèmes.
  • L’agroécologie contribue à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, principalement en augmentant la matière organique du sol (piégeage du carbone) et en réduisant l’utilisation d’engrais de synthèse.
  • Un rôle clé est joué par les aspects institutionnels, tels que le développement de services de conseil ou de systèmes d’innovation participatifs pour soutenir les échanges entre agriculteurs-trices. Ce faisant, des connaissances spécifiques au contexte peuvent être créées et diffusées conjointement, ce qui favorise le développement, la consolidation et l’acceptation de l’agroécologie.

Mise en œuvre: la balle est dans le camp de la politique

La troisième partie de l’étude a examiné le rôle de l’agroécologie dans le contexte politique actuel. Commençons par le positif : le concept global d’agriculture durable est en plein essor au niveau international et joue un rôle essentiel dans la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), par exemple. Fabio Leippert est donc convaincu : «Il existe une grande opportunité politique d’inclure l’agroécologie comme mesure d’adaptation au changement climatique.» Mais il est également sceptique : « Malgré ces signaux positifs, les actions décisives – et l’argent – font malheureusement toujours défaut ! Il est indispensable que les pays de l’Ouest riches soutiennent plus fortement les pays plus pauvres dans la protection du climat pour que les choses bougent vraiment. Ce n’est qu’à cette condition que les agricultrices comme Elizabeth Karimi, dans le Sud, auront vraiment une chance de faire face au changement climatique à l’avenir. »

Martin-ABC_Fabio_Leippert_Biovision
Martin Mwenda Muriuki, chef de projet à l’Institute for Culture and Ecology (ICE) et Fabio Leippert, Biovision (photo : Biovision)

Une étude montre comment l’agroécologie aide à lutter contre le changement climatique

« Ce que j’ai appris lors d’échanges détaillés pendant la visite de la ferme d’Elizabeth Karimi a été confirmé de manière factuelle par notre étude », note Fabio Leippert. « Dans l’analyse, les agriculteur­­­·trices qui pratiquent l’agroécologie montrent une résilience accrue, ce qui les aide à s’adapter au changement climatique. » En plus des études de terrain, une méta-analyse a été utilisée pour découvrir les facteurs déterminants de ce phénomène :

  • grâce à l’amélioration de la santé des sols, à la biodiversité et à la forte diversification des systèmes de production agricole, l’agroécologie augmente la capacité d’adaptation au changement climatique et réduit la vulnérabilité des agroécosystèmes.
  • L’agroécologie contribue à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, principalement en augmentant la matière organique du sol (piégeage du carbone) et en réduisant l’utilisation d’engrais de synthèse.
  • Un rôle clé est joué par les aspects institutionnels, tels que le développement de services de conseil ou de systèmes d’innovation participatifs pour soutenir les échanges entre agriculteurs-trices. Ce faisant, des connaissances spécifiques au contexte peuvent être créées et diffusées conjointement, ce qui favorise le développement, la consolidation et l’acceptation de l’agroécologie.
« Ce que j’ai appris lors d’échanges détaillés pendant la visite de la ferme d’Elizabeth Karimi a été confirmé de manière factuelle par notre étude. »
Fabio Leippert, Biovision

« Climatechange report »

L’étude « Le potentiel de l’acroécologie pour construire des moyens de subsistance et des systèmes alimentaires résilients au climat » a été réalisée par Biovision en collaboration avec l’Institut de recherche en agriculture biologique FiBL et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et publiée à l’été 2020. Les résultats de l’étude sont résumés dans cette vidéo.

Mise en œuvre: la balle est dans le camp de la politique

La troisième partie de l’étude a examiné le rôle de l’agroécologie dans le contexte politique actuel. Commençons par le positif : le concept global d’agriculture durable est en plein essor au niveau international et joue un rôle essentiel dans la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), par exemple. Fabio Leippert est donc convaincu : « Il existe une grande opportunité politique d’inclure l’agroécologie comme mesure d’adaptation au changement climatique. » Mais il est également sceptique : « Malgré ces signaux positifs, les actions décisives – et l’argent – font malheureusement toujours défaut ! Il est indispensable que les pays de l’Ouest riches soutiennent plus fortement les pays plus pauvres dans la protection du climat pour que les choses bougent vraiment. Ce n’est qu’à cette condition que les agricultrices comme Elizabeth Karimi, dans le Sud, auront vraiment une chance de faire face au changement climatique à l’avenir. »

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