Un potager forestier 

Par

Patricio Frei (texte) et Noor Khamis (photos).

L’agriculture syntropique combine les avantages de l’agriculture avec ceux de la forêt. Mais qu’est-ce qui rend ce système si particulier, et quel lien existe-t-il entre des plantations de cacao abandonnées au Brésil et un chercheur suisse pionnier dans ce domaine ?

Lorsqu’en 1980, l’agronome suisse Ernst Götsch s’est installé au Brésil, il s’est trouvé face à un défi de taille : 120 hectares d’une plantation de cacao dont le sol était complètement épuisé et dégradé. Pourtant, grâce à des techniques astucieuses, Götsch a redonné vie à cette exploitation en développant un concept visionnaire, aujourd’hui connu sous le nom d’agriculture syntropique. 

Le terme « syntropie » vient du grec et signifie « aller ensemble ». L’agriculture syntropique, aussi appelée agroforesterie successionnelle, est une combinaison d’agriculture et de sylviculture qui imite un écosystème naturel tout en produisant des denrées alimentaires. Götsch décrit son approche en ces termes : « Chaque être à sa place, chacun remplissant sa fonction, avec des relations inter- et intraspécifiques fondées sur la coopération. » 

Aujourd’hui, sa méthode continue d’inspirer des projets comme ceux de Biovision, notamment dans le district de Makueni au Kenya, où des familles paysannes comme celles de Miriam David et d’Isaac Ndolo transforment de monotones champs de maïs en forêts agricoles diversifiées dans le cadre du projet Urban Nutrition. 

Comment fonctionne concrètement l’agriculture syntropique ? 

Dans Urban Nutrition, une agroforêt syntropique est constituée de cinq rangées. Les rangées périphériques accueillent des arbres destinés à la production de bois d’œuvre ou des fruitiers tels que l’avocatier, le bananier, le manguier et le papayer. L’herbe qui pousse entre les arbres est utilisée pour nourrir les animaux et comme paillis pour enrichir le sol et lutter contre l’érosion. Au centre, on cultive du persil, des pois et d’autres variétés de légumes. 

Pour un œil profane, une parcelle agroforestière peut paraître désordonnée, mais il n’en est rien. Le choix des plantes est crucial : elles se renforcent mutuellement, servent de fertilisant naturel et contribuent à la lutte biologique contre les nuisibles, le tout sans pesticides chimiques. De petits cycles se créent, imitant un écosystème naturel. 

Récolter des aliments sains toute l'année ; des plants attendent les participant∙es aux ateliers de Urban Nutrition.

Un système durable aux nombreux avantages  

« Cette méthode présente de nombreux avantages sur une très petite surface », s’enthousiasme Thiong’o Gachie. Pour Biovision, il enseigne ces techniques aux paysan·nes intéressé·es lors d’ateliers. 500 participant·es, parmi lesquel·les Miriam David et Isaac Ndolo, y ont déjà pris part et ce nombre ne cesse d’augmenter.  

L’un des principaux avantages de l’agriculture syntropique est qu’elle réduit le risque de pertes de récolte. Les familles paysannes peuvent cultiver des produits sains toute l’année, tandis que la diversité des plantes favorise la biodiversité et offre un habitat à de nombreuses espèces animales. De plus, les arbres procurent une ombre rafraîchissante les jours de grande chaleur. 

Ces bénéfices sont clairement visibles sur les parcelles de Miriam David et d’Isaac Ndolo. Au lieu de récolter uniquement du maïs et des haricots, ils cultivent aujourd’hui une variété de plantes dans un cycle fertile. Là où auparavant une mauvaise récolte pouvait mettre en péril l’alimentation des familles paysannes, leurs champs offrent désormais suffisamment d’alternatives. La sécurité alimentaire a augmenté, et avec elle les revenus. « En tant que jeune agriculteur, cela représente une belle opportunité pour moi : je peux vivre dans mon village et vendre mes fruits en ville », explique Isaac Ndolo. 

Des défis surmontables 

La mise en place d’une agroforêt syntropique comporte toutefois des défis. Elle demande beaucoup de travail manuel, et l’arrosage des plantes est une tâche considérable, surtout dans les régions sèches comme Makueni. « Nous recommandons aux paysan·nes de commencer avec un champ de sept mètres sur quinze pour qu’ils·elles gardent le plaisir de cette méthode », conseille Thiong’o Gachie. 

La commercialisation des produits peut également poser problème, la diversité des cultures limitant parfois les quantités disponibles. Cependant, grâce au projet Urban Nutrition, cet inconvénient est atténué, car notre organisation partenaire se charge de la distribution. 

Biovision_Kenya_syntropische_agroforstwirtschaft
Sur le terrain, Thiong’o Gachie montre comment les plantes se renforcent mutuellement.

Biovision et l’agriculture syntropique 

L’agriculture syntropique occupe une place importante dans les projets de Biovision.

« L’agroforesterie joue un rôle central dans bon nombre de nos projets », fait remarquer Loredana Sorg, coresponsable des partenariats internationaux chez Biovision. Il importe avant tout de planter des arbres adaptés aux conditions locales qui contribuent efficacement à la restauration des écosystèmes. Actuellement, cette approche est utilisée dans huit des 30 projets de Biovision, renforçant la résilience des communautés rurales et augmentant les rendements agricoles. 

L’agriculture syntropique améliore la vie des familles paysannes. Miriam David et Isaac Ndolo, du projet Urban Nutrition, en sont des exemples impressionnants. Une vision née jadis au Brésil par un agronome suisse porte aujourd’hui ses fruits dans des villages du Kenya, transformant la vie des générations futures. 

Au centre d’une agroforêt, on cultive par exemple des pois, du persil et divers autres légumes. Ils sont bordés par des rangées d’herbe, et les rangées extérieures sont constituées d’arbres fruitiers et d’arbres à bois d’œuvre. Dans la vidéo, Thiong’o Gachie explique en détail cette méthode de culture.

Les projets internationaux de Biovision sont soutenus par la DDC.

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