De plus en plus d’épiceries solidaires voient le jour en Suisse, inspirées d’initiatives étrangères telles que La Louve à Paris, la BEES coop à Bruxelles ou encore le Park Slope Food Coop à New York. Implantée à Meyrin (GE), La Fève invente un nouveau modèle pour renouer avec les circuits courts. Raeto Cadotsch, pionnier de l’agriculture contractuelle de proximité, en est l’un des fondateurs dans l’écoquartier Les Vergers : « La Fève est née de la rencontre des coopératives d’habitation et des coopératives agricoles. À côté de thématiques comme l’isolation, les transports ou l’énergie, auxquelles les futurs habitants étaient sensibles, nous avons amené le sujet de l’agriculture dès 2014. Rapidement, l’alimentation est devenue le leitmotiv du quartier avec plusieurs projets, dont la création d’un centre d’achat permettant aux gens de se rencontrer ».
Aujourd’hui, quatre coopératives existent autour de La Fève : un magasin, des ateliers de transformation (boucherie, boulangerie, fromagerie), une ferme urbaine et une auberge. Mariage entre enseigne de distribution et magasin paysan, le supermarché travaille sur la base de contrats avec cinq maraîchers, qui prévoient un plan de cultures commun. Prix, quantité et qualité sont réglés d’avance et le distributeur s’engage à acheter leur production, un peu à l’image de paniers contractuels à l’échelle d’un quartier. Par ailleurs, La Fève dialogue régulièrement avec ses 250 membres, qui s’activent au moins deux heures par mois pour la coopérative. Un minimum de 500 consommateurs permettrait d’atteindre la rentabilité pour le magasin. « Globalement, nous essayons de devenir un vrai partenaire de la commune de Meyrin, qui se fixe comme objectif d’approvisionner 100 % des crèches et établissements scolaires en bio. »
Un défi de taille
Parmi les difficultés rencontrées, la perte de l’espace de 500 m2 initialement prévu pour le magasin au profit de Migros VOI en 2018 a été un coup dur. Le supermarché a dû s’installer provisoirement dans un local de 60 m2, puis de 100 m2. « Cet espace est trop petit pour faire le lien avec les paysans et paysannes et les ateliers de transformation. Il fait office de magasin bio « bobo » du quartier, ce qui n’est pas notre objectif de base », décrit Raeto Cadotsch. Soutenue par le canton et la commune pour la construction d’un nouveau bâtiment, La Fève fait face à un recours et espère quand même donner le premier coup de pioche cet hiver. « C’est difficile pour notre petite structure, basée essentiellement sur le bénévolat, de perdre de l’argent en attendant. De nouveaux projets dans d’autres quartiers devront intégrer le thème de l’alimentation dès leur planification. »
Autre défi : La Fève peine à trouver des gammes de produits suisses à moindre coup, sans compter le manque de place pour proposer un large assortiment. Ainsi, difficile d’élargir le public au-delà du cercle de convaincu·es. « Pour les légumes et produits frais, nous sommes jusqu’à 20 ou 30 % moins cher que le bio de la Migros », relève néanmoins Raeto. Reste encore à faire passer le message à la population. Le cofondateur de La Fève assume volontiers le caractère utopiste et futuriste du projet : « La réalité d’aujourd’hui fait un peu peur ! On va dans un mur où plus personne ne décide de son alimentation, seuls l’industrie et le commerce décident de ce que vous allez manger. En tant que paysan, je n’ai jamais voulu produire sans savoir qui aller consommer ». Quant à l’image élitiste qui colle à la peau de ce type d’épiceries, il répond : « Notre but est de causer avec les gens, de leur expliquer ce qu’est une ferme. Ce n’est pas de l’exclusivité, c’est de l’ordinaire. »
Aujourd’hui, quatre coopératives existent autour de La Fève: un magasin, des ateliers de transformation (boucherie, boulangerie, fromagerie), une ferme urbaine et une auberge. Mariage entre point de distribution et magasin paysan, le supermarché travaille sur la base de contrats avec cinq maraîchers·ères, qui prévoient un plan de cultures commun. La Fève dialogue régulièrement avec ses 250 membres, qui s’engagent au moins deux heures par mois pour la coopérative.