Agroécologie : les choses bougent en Afrique de l’Est

Par

Fabian Kohler, responsable de projets de développement et Florian Blumer, rédacteur

Paniers de légumes bio, pétition contre les pesticides, agroécologie inscrite dans la Constitution : le mouvement pour une transition écologique a pris son envol.

« Actuellement, nous livrons chaque semaine 100 à 150 paniers de légumes bio à Nairobi », déclare fièrement Sylvia Kuria. Cette paysanne, entrepreneuse et formatrice pour adultes tient un petit magasin bio dans le centre de Nairobi, qui déborde littéralement de toutes parts. Les légumes proviennent de sa ferme et de celles d’autres groupes paysans. Gregory Kimani jongle lui aussi entre plusieurs activités. Son organisation, « City Shamba » (jardin urbain), se consacre entièrement à l’agriculture urbaine. Lui et ses collègues, tou·tes entre 20 et 30 ans, cultivent des jardins d’arrière-cour dans des quartiers défavorisés de Nairobi. Pour ce faire, il·elles vendent des plates-bandes surélevées fabriquées à l’aide de matériaux recyclés et organisent des petits cours sur les principes de base du jardinage tels que le compost et les semences.

Sublimer les déchets

James Kagwe a créé une « forêt comestible » à l’extérieur de Naivasha, à deux heures et demie de route au nord de Nairobi, un grand jardin potager et fruitier parsemé d’arbres fruitiers et d’autres arbres. Le tout selon les principes de l’agroécologie. Il construit en outre un centre de formation en agroécologie, dont les bâtiments sont composés à 80% de déchets. C’est avec ces derniers que son histoire a commencé, en nettoyant les rues de son quartier. Aujourd’hui, il exploite un système de recyclage sophistiqué et produit de grandes quantités de précieux compost.

Kuria, Kimani et Kagwe représentent trois initiatives de la société civile parmi tant d’autres qui montrent que l’Afrique du Sud est en train de changer : L’Afrique de l’Est est en mouvement. Et la nécessité d’un tournant agro-écologique s’impose peu à peu au cœur de la société.

Infografik BVM71 Food Movements Kenia und Ostafrika in Bewegung
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Les mentalités changent

À l’automne 2021, la conférence en ligne« Shamba Jijini » (« agriculture urbaine » en swahili), soutenue par Biovision, a regroupé de nombreuses initiatives nées en milieu urbain. Les plus de 50 participant·es étaient
unanimes : beaucoup de choses bougent et cela vaut la peine d’échanger des connaissances et d’unir ses forces. Toutes ces initiatives montrent que l’agroécologie fonctionne dans la pratique, ce qui suscite un intérêt
croissant de la part des entreprises, de la recherche et des responsables politiques. Cette nouvelle conscience se manifeste aussi nettement chez les consommateur·trices : aujourd’hui, beaucoup s’interrogent sur la qualité des légumes vendus sur le marché. Les résultats des analyses des résidus de
pesticides sont souvent alarmants. En effet, un grand nombre de produits phytosanitaires interdits depuis longtemps en Europe ou aux États-Unis sont encore autorisés en Afrique de l’Est. La société civile se mobilise : il y a deux ans, une pétition avait bénéficié d’un grand écho médiatique, si bien que l’autorité de régulation kenyane a décidé de réexaminer l’autorisation de substances actives particulièrement dangereuses. La procédure traîne en longueur, mais des particuliers, des chercheur·euses et des organisations issues de la société civile continuent de faire pression dans la rue, sur les réseaux sociaux et dans les médias conventionnels. L’agroécologie est davantage perçue comme une alternative sûre et écologique. Des instituts de recherche locaux tels que l’icipe, partenaire de longue date de Biovision,
transmettent des connaissances de base sur le contrôle écologique des ravageurs, l’amélioration des sols et les systèmes efficaces de culture mixte. Autant de savoirs très demandés sur un marché en forte croissance. « Les ventes de produits certifiés ont explosé depuis 2019 », confirme Martin Njoroge, chef de projet chez KOAN (Kenya Organic Agriculture Network), l’organisation sectorielle de l’agriculture biologique. « Cette tendance
est le fruit d’une demande croissante, mais aussi d’une collaboration mieux organisée entre la production et le commerce. »

Des lois pour promouvoir l’agroécologie

Les choses avancent également au niveau gouvernemental. Sous la direction du ministère kenyan de l’agriculture et de l’environnement, le forum intersectoriel sur l’agrobiodiversité et l’agroécologie a vu le jour il y a deux ans, avec la participation de Biovision. Il s’agit d’un modèle de réussite à l’échelle internationale d’une plateforme dite multiacteurs. Celle-ci regroupe en effet des représentant·es de tous les domaines de la société et des secteurs économiques qui unissent leurs forces dans l’échange et cherchent ensemble des solutions. Depuis cette année, une stratégie nationale en matière d’agroécologie est en cours de négociation. Sur ce plan, le comté de Murang’a a une longueur d’avance. Sous l’impulsion d’une assemblée citoyenne, la promotion de l’agroécologie a été inscrite dans la loi en avril dernier. Des assemblées de ce type se sont constituées dans sept autres comtés du Kenya dans le même but. Des processus analogues sont en cours en Ouganda. En Afrique de l’Est, c’est surtout la jeune génération qui fait pression pour la transformation du système alimentaire. Comme le montre notre article aux pages 2 à 5, de plus en plus de jeunes voient qu’une opportunité est à saisir. Celle d’une agriculture moderne mue par des principes tels que l’écologie, l’équité et la santé. Dans ce contexte, la formation joue un rôle central. Les cursus et les cours universitaires en agroécologie sont très fréquentés, de même que les séminaires d’agroécologie AATC et ITCOA soutenus par Biovision. Diramu Guyo, étudiante de 20 ans, témoigne : « Je viens du nord du Kenya, où la sécheresse est un problème important. Je veux montrer tout ce que l’agroécologie permet de faire : comment cultiver son propre jardin et assurer sa sécurité alimentaire. » Le dynamisme de la jeune génération est encourageant. Malgré les énormes défis qu’il reste à relever, les signaux sont au vert sur la voie de systèmes alimentaires durables, toujours avec le soutien de Biovision.

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