Une résidence de goût : la cuisine d’une maison de retraite passe au bio

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Samira Amos, Biovision (Image: Murhof)

La résidence avec services et soins du Murhof, à St. Urban dans l’arrière-pays lucernois, n’est pas une maison de retraite comme les autres. Elle a même tout d’une résidence d’avant-garde. À commencer par sa cuisine, qui est en bio depuis 2017.

Portrait en bref du projet «Murhof»

Tous les jours, les 58 résident·es du Murhof, son personnel et les résident·es d’un foyer pour personnes en situation de handicap situé à proximité profitent de repas particulièrement goûteux. La majeure partie des ingrédients utilisés (jusqu’à 90 %) sont de production bio, et 70 % des produits frais sont de la région. Le Murhof est fier de ses deux étoiles « Bio Cuisine », un label suisse de qualité qui atteste de la part élevée d’aliments bio dans les services de restauration.

C’est son directeur, Hansueli Eggimann, qui a été à l’origine de ce changement. L’établissement veut ainsi contribuer à un monde plus respectueux de la nature, soutenir la production locale et choyer ses résident·es. Les repas pris en commun comptent pour beaucoup dans le quotidien de ces dernier·ères. Mais la démarche bio ne s’arrête pas aux portes de la cuisine : le Murhof a une approche globale qui encourage l’autodétermination, la responsabilité et la participation à la vie de la communauté.

Avec le projet « Exemples de bonnes pratiques pour un système alimentaire durable », Biovision offre une tribune aux initiatives et projets en Suisse qui contribuent à façonner un système alimentaire durable. Nous souhaitons démontrer que des solutions viables existent et qu’un changement vers plus de durabilité est possible !

Murhof en ligne

Des produits régionaux au menu

Au lieu de s’approvisionner auprès d’un seul gros fournisseur, le Murhof travaille en réseau avec des producteur·trices de la région. La collaboration étroite avec trois familles paysannes Demeter et d’autres entreprises bio locales ainsi qu’avec un boucher permet au Murhof d’assurer son ancrage dans la région (principe 11 sur le diagramme ci-dessus), avec plusieurs avantages à la clé : la résidence fait des économies en s’épargnant le coût des grossistes, tandis que les familles paysannes profitent de meilleurs prix que sur le marché et d’un acheteur fiable. De leur côté, les résident·es sont heureux·ses de pouvoir savourer des aliments frais, de qualité et respectueux de l’environnement (principes 1 à 6).

Faire passer au bio une cuisine de cette taille s’accompagne naturellement d’un certain nombre de défis. Les résident·es ne sont pas toujours prêt·es à suivre le mouvement et à écarter leurs préjugés concernant le bio. Mais grâce à l’ancrage régional et au fait de savoir d’où viennent les produits, la confiance est là. En cuisine, le chef a dû repenser ses méthodes et trouver de nouvelles solutions : par exemple, accepter de se soumettre aux variations de l’offre locale plutôt que de tabler sur l’offre des grossistes, vaste et disponible en permanence.

La communauté comme opportunité

Généralement, les cuisines professionnelles achètent des produits conventionnels semi-transformés à des grossistes spécialisés. Les produits frais et régionaux bio occasionnent davantage de travail en cuisine, par exemple pour laver et préparer les légumes. Mais à la maison de retraite, cette charge supplémentaire devient un atout : les résident·es sont invité·es à aider en cuisine car cela fait partie du programme d’encouragement à l’activité. Une fois par semaine, il·elles préparent une recette de leur enfance pour dix personnes avec l’aide d’une thérapeute dans la cuisine de l’établissement. Le lien social est renforcé et la culture alimentaire commune mise en avant (principe 9).

L’établissement se distingue non seulement par sa démarche écologique et son programme d’encouragement à l’activité, mais aussi par son action sur le plan de l’égalité des chances (principe 10). La résidence propose en effet des places d’apprentissage en cuisine ou en conciergerie à des jeunes qui peinent à entrer sur le marché de l’emploi.

Le diagramme en toile d’araignée illustre l’évaluation de la résidence avec services et soins du Murhof.

Comment fonctionne l'évaluation avec l'outil
B-ACT ?

Le B-ACT reflète l’orientation des entreprises, des projets et des initiatives vers les 13 principes agro-écologiques du « High Level Panel of Experts on Food Security and Nutrition » (HLPE).

Chaque principe s’inscrit dans l’un des trois thèmes généraux :

  • Augmenter l’efficacité des ressources
  • Renforcer la résilience
  • Assurer la justice sociale

Pour tous les principes, Biovision a élaboré des questions en collaboration avec des partenaires, qui ont été intégrées dans le B-ACT. Plus le nombre de questions auxquelles il est possible de répondre positivement pour une initiative ou un modèle commercial est élevé, plus la contribution au principe correspondant est importante.

Illustration des B-ACT Tools auf einem Computer.

Un projet qui marque des points

  • Un argument fréquent contre le passage au bio dans les cuisines professionnelles sont les surcoûts prétendument intenables. Le Murhof vient contredire cette idée reçue : la charge financière supplémentaire peut être supportée grâce à l’absence d’intermédiaires et à l’engagement de toutes les personnes concernées. Le Murhof fait également montre de courage et de créativité en transformant d’éventuels obstacles en précieuses opportunités d’amélioration de la qualité de vie et du sentiment de communauté, par exemple en intégrant les résident·es dans le fonctionnement de la cuisine.
  • Le Murhof organise en pionnier des échanges d’expériences avec d’autres directions de maisons de retraite afin que d’autres institutions lui emboîtent le pas.
  • Sa devise « bio d’ici » marque l’engagement du Murhof en faveur du développement durable auprès des personnes âgées ainsi que son soutien des producteur·trices locaux·ales. La collaboration avec des entreprises biologiques et biodynamiques régionales vient renforcer la valeur ajoutée locale et créer un lien étroit avec la région.
Échanges étroits entre la cuisine et les producteurs régionaux pour des ingrédients bio frais.

Quels sont les défis à relever par

Faire passer la cuisine du Murhof au bio a exigé la participation de tou·tes, du chef de cuisine au reste du personnel en passant par les résident·es. La réussite n’allait pas de soi et le soutien plein et entier du chef de cuisine a été décisif. Celui-ci doit désormais se montrer inventif quand, par exemple, il reçoit des carottes au lieu des pommes de terre commandées : quand on mise sur le régional, la sécurité d’approvisionnement n’est jamais garantie à 100 %. La cuisine, qui n’est pas exagérément grande, offre cette flexibilité mais au prix d’un surcroît de travail. Cela dit, dès que le premier producteur régional a livré ses produits frais et qu’un échange personnel a eu lieu, les doutes quant au passage au bio ont cédé la place à l’enthousiasme.

Malgré la participation active de tou·tes et la collaboration étroite avec les producteur·trices, le bio reste un peu plus cher et plus difficile à trouver que les produits conventionnels, semi-transformés notamment. Le Murhof prend le surcoût à sa charge sans le répercuter sur ses résident·es. Son directeur, Hansueli Eggimann, considère la situation avec sérénité : pour lui, ce qui compte, c’est de montrer la voie en matière de durabilité dans l’accompagnement des personnes âgées. Et la publicité positive autour de l’établissement crée également une valeur ajoutée.

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