En visitant nos projets africains, je suis toujours surpris par l’éloquence de beaucoup de gens. Même dans les villages les plus reculés, je rencontre régulièrement des paysan·nes qui tiennent une conversation raffinée et m’offrent des entretiens à la rhétorique soignée. Sans doute parce que leur culture de communication a jusqu’ici été marquée par l’oralité. Biovision met à profit la puissance de la parole pour diffuser des connaissances en vue d’autonomiser les populations rurales en améliorant leur alimentation et leurs revenus. Un journal paysan, des formations pratiques, des services de conseil agricole, une plateforme internet renommée, et surtout nos émissions radio constituent depuis des années l’éventail de notre Programme de communication paysanne (FCP : Farmer Communication Programme). Au Kenya, une radio nationale et quatre stations régionales diffusent régulièrement, aux heures de grande écoute, des programmes spéciaux sur les méthodes de culture écologique, le stockage sûr des récoltes, les options efficaces de transport et de commercialisation des produits agricoles. Les paysan·nes ont également la possibilité d’échanger sur les problèmes rencontrés et les solutions trouvées.
Dans le cadre du projet « Plus de Recherche pour l’agroécologie », Biovision poursuit l’objectif d’accroître les investissements dans l’agriculture durable en Afrique, mais aussi dans le monde entier, par le dialogue politique et la défense des intérêts.
Dans une étude publiée en 2020, Biovision a examiné comment les fonds de recherche sont actuellement répartis entre l’agriculture industrielle et l’agriculture durable, et a formulé des recommandations pour sortir de l’impasse dans laquelle se trouve l’agriculture industrielle.
Diffuser des connaissances pratiques dans tout le pays via la radio
Avant le confinement lié au coronavirus, la journaliste Julia Hofer et le reporter radio kenyan Macdonald Mathew ont rendu visite à un groupe d’agricultrices à Machakos, à l’est de Nairobi. Celles-ci se rencontrent régulièrement pour partager leurs connaissances, se mettre en réseau et s’entraider. Un point de départ idéal pour un nouvel épisode sur la radio paysanne.
Les femmes sont assises autour d’une petite table sur laquelle sont installés un ordinateur portable et deux enregistreurs. Quelqu’un se branche sur Mbaitu FM (la radio locale) et recherche l’émission The Organic Farmer, diffusée vendredi dernier. La voix de Macdonald résonne dans les hautparleurs. Bien entendu, les femmes pourraient aussi écouter l’émission à la maison, mais ce ne serait pas pareil. Lorsqu’elles se réunissent, d’auditrices individuelles elles deviennent un groupe d’étude.
Diffusion des connaissances traditionnelles
Dès que la radio s’est tue, Macdonald branche son microphone, appuie sur le bouton d’enregistrement et modère l’émission qui va suivre. Cette fois, la question est de savoir comment éviter les pertes après récolte. Un sujet important, car au Kenya, entre 20 et 60 % des produits agricoles se détériorent sur le long chemin du champ à l’assiette. L’animateur tend le micro à une fermière. Elle veut savoir pourquoi les fruits qu’elle amène au marché avec son âne se gâtent si vite. Une autre demande : « Comment empêcher mes avocats de pourrir ? » Une vieille femme montre des haricots et des grains de maïs : « Pourquoi sont-ils si petits ? » Les réponses sont données par un autre participant, John Mutisya, qui conseille les agriculteurs·trices sur mandat de Biovision. Il explique au micro que les fruits doivent être mieux emballés pour ne pas s’abîmer pendant le transport. « Vos avocatiers, ajoute-t-il, ne les laissez pas grandir ; vous pourrez ainsi récolter les fruits avant qu’ils ne tombent et pourrissent. » « Et les fèves, conseille-t-il, doivent d’abord être bien séchées puis stockées dans des sacs avec une doublure intérieure épaisse ; on évite ainsi la moisissure et la vermine. » Quant au maïs, il suppose que les grains ont été endommagés parce qu’on les a détachés de l’épi à coups de bâton.
L’agroécologie combine les connaissances traditionnelles et scientifiques
Les programmes radio de Biovision au Kenya et en Tanzanie sont d’excellents exemples du fonctionnement pratique de l’agroécologie. D’une part, ce terme désigne une science de l’écologie et de l’espace rural. D’autre part, il s’applique aux méthodes et pratiques agricoles. Il désigne enfin également un mouvement social et politique. Le programme FCP initié par Biovision et mis en œuvre depuis des années par notre organisation sœur au Kenya, Biovision Africa Trust (BvAT) permet de réaliser ces trois aspects de l’agroécologie. Les méthodes de culture écologique et les instructions diffusées sont testées scientifiquement. Elles ne font pas qu’augmenter les récoltes: elles servent aussi à maintenir et à améliorer la qualité de notre environnement et de la biodiversité. Dans le cadre du FCP, un échange mutuel entre science et milieux agricoles doit être mis en place – de même qu’entre agricultrices, agriculteurs et groupements paysans. Ce programme contribue activement à un « mouvement bio » qui prend de l’ampleur en Afrique de l’Est.