« Nous pouvons et devons agir maintenant! »

Par

Florian Blumer, Biovision

De la ferme à la table: tout le monde doit contribuer au changement. Un point de vue partagé à notre forum annuel par l’activiste Dominik Waser, la conseillère aux États Maya Graf, la cheffe Rebecca Clopath et directeur de l’OFAG Christian Hofer.
Screenshot Online-Podium forum Kurswechsel
Discussion animée et surprenante unanimité à la table ronde Zoom du forum KURSWECHSEL.

L’activiste du mouvement Agriculture du Futur (soutenu notamment par Biovision) Dominik Waser a eu la formule la plus lapidaire: « Si nous continuons ainsi, nous sommes bientôt finis ». Mais son point de vue n’était pas marginal au débat organisé en ligne par Biovision fin novembre. « Nous pouvons et devons agir maintenant », a averti Maya Graf, membre du conseil de fondation de Biovision; « Nous avons déjà perdu trop de temps », a ajouté Hans Herren, président de Biovision et coordinateur de l’IAASTD, connus sous le nom de Rapport mondial sur l’agriculture en 2009.

L’édition en ligne de notre symposium annuel proposait un débat très animé intitutlé « Comment pavenir à un système agro-alimentaire durable ? ». Il réunissait Dominik Waser, la cheffe-agricultrice grisonne Rebecca Clopath, la conseillère aux États Maya Graf et Christian Hofer, directeur de l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG). La question centrale était de savoir ce que nous pouvons faire en Suisse pour mener la transition urgente et nécessaire vers un système alimentaire qui réponde aux défis écologiques, économiques et sociaux.

L’agriculture comme bouc émissaire

Tout d’abord, un constat positif : les jeunes qui manifestent dans la rue et l’Office fédéral sont plus proches qu’on ne le pense. Peut-être parce que les attentes des jeunes, présentées par Dominik Waser, ne semble pas radicales: « Nous voulons une agriculture et un système alimentaire qui puissent fonctionner dans le cadre des limites planétaires ».

Dès lors par où entamer cette transition? Pour Dominik Waser, « la politique est trop axée sur l’agriculture. Il faut une politique qui couvre l’ensemble du système alimentaire. » Christian Hofer est d’accord: « Je vois une opportunité fantastique de prendre en compte la transformation du système alimentaire dans son ensemble. Donc tout le monde est inclus dans cette responsabilité. L’agriculture ne doit pas être un bouc émissaire. »

Hofer a insisté sur la responsabilité des consommateur-trice-s: « Si on n’achète que des fruits à l’apparence parfaite, si on n’utilise pas tous les morcaux de viande des animaux nose-to-tail (du museau à la queue) et s’il y a plein de produits bon marché importés de l’étranger dans nos paniers, cela a une forte influence négative sur notre agriculture. » Maya Graf a également souligné l’importance du rôle que chacun-e d’entre nous joue: « La façon dont nous mangeons nous rassemble. Nous avons besoin de consommateur-trice-s qui, par leurs achats quotidiens, démontrent qu’ils et elles veulent cette transition vers le bio et le régional – en le demandant aussi au restaurant et en exigeant une meilleure déclaration de provenance des produits. »

Une cuisine de niche

Chez Rebecca Clopath, cuisinière transformant produits locaux et produits de la cueillette dans les Grisons, aucun client ne demande de nourriture régionale ni dee détails sur la provenance. Ils savent que chez elle, seuls les ingrédients de sa propre ferme ou des fermes bios du coin sont ransformés dans les marmites. Pour chaque plat, elle explique à ses invité-e-s d’où provient la nourriture et pourquoi elle la sert. Lorsqu’on lui demande si les gens sont prêts pour un nouveau système alimentaire durable, la cheffe répond: « Les invités que nous recevons à la ferme Taratsch le sont définitivement. Mais je suis consciente que nous sommes dans une bulle, ici. » Lors de son apprentissage d’agricultrice, elle a constaté que l’accent restait toujours sur l’agriculture « conventionnelle ». Pourtant, la durabilité est maintenant un sujet de grande actualité sur la scène culinaire.

Est-ce que nous sommes, consommatrices et consommateurs, seuls responsables du fait que notre système alimentaire n’est pas plus durable? Ce n’est pas si simple. Waser souligne: « À notre avis, si les achats ne sont pas assez durables, c’est surtout parce que le cadre politique n’est pas favorable. L’achat de produits durables doit être facilité par une meilleure information disponible et une gamme de produits appropriée. » Le jeune activiste estime qu’il s’agit là d’un devoir àccomplir politiquement.

Les panelistes ont convenu que la comptabilité des coûts réels (rendre les coûts cachés visibles) serait un levier central pour une consommation plus durable. Si les dommages causés étaient inclus dans les prix des produits, il n’y aurait plus d’incitation à acheter ce qui provient d’une fabrication nuisible pour l’environnement et la main d’œuvre. Comme Hans Herren le résume en quelques mots: « Le bio n’est pas plus cher, le bio est moins cher si vous calculez correctement! C’est ce qu’on doit exiger. »

Marges trop élevées sur les produits bio

Maya Graf a critiqué l’étiquetage insuffisant, qui limite également les décisions d’achat plus durables: « Les gens du magasin ne peuvent même pas dire si les produits importés ont été fabriqués selon des méthodes interdites dans notre pays, par exemple l’engraissement des animaux sur des planchers à lattes ou des plantations de légumes dans lesquels les conditions de travail sont inhumaines. » La membre du Conseil de fondation de Biovision a étalement exprimé son regret que les marges sur les produits bio en Suisse soient si élevées. Autrement dit: ce ne sont pas les familles paysannes qui bénéficient avant tout des prix élevés, mais les grands distributeurs.

Comment se diriger vers une comptabilité des coûts réels? Là aussi, consensus sur le podium virtuel. Maya Graf lève le pouce lorsque le directeur de l’OFAG, déclare: « Voici mon opinion personnelle: si cela ne fonctionne pas avec les encouragements et les offres, les taxes d’incitation sont un instrument valable. » Le Conseil fédéral a également soutenu la mention de cette mesure dans le cadre de l’initiative parlementaire – mais il n’y a actuellement pas de majorité sur ce sujet aux Chambres.

Les jeunes restent à l’écoute

De même, la demande de Hans Herren que la Suisse passe entièrement à l’agroécologie ne trouve pas pour l’instant une majorité politique. Et pourtant c’est faisable, confirme Maya Graf, qui est aussi agricultrice bio: « Une Suisse qui produit biologiquement n’est pas une chimère, mais une possibilité prometteuse ». La condition pour cela est de transitionner vers un régime alimentaire déjà pratiqué par de nombreux jeunes aujourd’hui: « Plus de légumes, de fruits et de céréales, moins de produits carnés. Et si on mange de la viande, que ce soient des animaux de ferme qui mangent ce qui pousse ici et qui sont entièrement valorisés du museau à la queue. »

Frank Eyhorn, directeur général de Biovision, animait la discussion. Il a demandé à Christian Hofer si les voix des jeunes pouvaient être entendues à l’OFAG. « L’avenir appartient à la jeunesse », a répondu le chef de l’Office fédéral. Et en écoutant Dominik Waser cet après-midi-là, il est clair qu’on peut compter sur cette jeunesse. Dans sa déclaration finale, le co-animateur d’Agriculture du Futur le confirme: « La jeune génération ne va pas laisser tranquille la société tant que nous n’aurons pas pris un autre chemin avec le rythme, le sérieux et le courage nécessaires. »

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